Coordination : Annalisa Bertoni et Maïder Fortuné.
Entrer dans une langue étrangère. Flotter dans une syntaxe insondable. Se laisser dériver. Que se joue-t-il, lorsqu’on rencontre brutalement, par choix ou par nécessité, une langue autre que celle apprise à sa naissance ? Quels déplacements s’opèrent lorsque la distinction s’efface au profit du brouillage ? Lorsqu’on parle sa langue ET celle l’autre et non pas l’une OU l’autre ? La poésie et la performance, tout comme les arts de la scène
et les formes actuelles du cinéma expérimental sont des champs d’expérience et d’invention de langues irrégulières, désobéissantes et non normées. De langues qui excèdent les grammaires, dérèglent les syntaxes, décloisonnent les registres, brouillent les lexiques, jouant des écarts entre écriture et oralité, entre formes savantes et populaires, entre savoirs institués et en action. Loin d’être suffisantes à elles-mêmes, captives d’une visée autoréférentielle qui pourrait les séparer du monde, elles reflètent les interrogations et les impasses du présent.
Langage comme lieu de l’hospitalité et de la mutation
Même lorsqu’elles empruntent la voie visionnaire, puisant à des expériences intérieures insolites, comme les poèmes sous dictée de Jack Spicer ou les « clairvoyant poems » de Hannah Weiner, l’étrangeté de ces langues inédites est le signe d’une critique, voire du rejet radical des rapports de force qui s’exercent au quotidien dans le cadre social, culturel et politique. Elle se lève contre les logiques d’oppression et les pratiques discriminatoires dont la langue – dans ses usages conventionnels et irréfléchis – est un outil puissant et insidieux. Mues par la révolte et l’accueil, ces expérimentations font du langage le lieu de l’hospitalité et de la mutation, au seuil duquel venir « poser un tapis
de tendresse », comme le proposent Barbara Manzetti et ses partenaires dans le projet collectif Rester. Étranger.
Quels cheminements amènent à la quête d’une langue à soi ? Quelles formes prend cette aventure de construction ou de réappropriation d’une langue lorsqu’elle est nourrie d’une pensée postcoloniale ou décoloniale, féministe ou queer ? De quels enjeux individuels et collectifs est-elle porteuse ?
À partir d’un corpus d’objets filmiques, artistiques et littéraires et de gestes
performatifs que nous découvrirons dans le cadre de rencontres avec des auteur·ices, des cinéastes et des théoricien·nes, nous questionnerons ces langues hors-normes et les modalités de production et de diffusion, souvent communautaires, qu’elles engagent et contribuent à faire émerger.
Les étudiant·e·s sont amené·e·s à définir, individuellement ou en groupes, un terrain d’expérimentation artistique et à en dégager un questionnement théorique.
Invité·e·s 2022 – 2023
Mélia Roger, artiste
Ben Russel, réalisateur
Anne Kawala, poète
[…]
Invité·e·s 2020 – 2022
Caroline Bergvall, poète
Ant Hampton, dramaturge et performer
Alex Reynolds, cinéaste plasticienne
Fatma Cheffi, commissaire d’exposition
Clara Schulmann, chercheuse et critique d’art
Vincent Broqua, chercheur, poète, traducteur
Lisa Robertson, poète
Emmanuelle Lafon, comédienne
Pierre Creton, réalisateur
Cyril Neyrat, critique de cinéma et auteur
Jean-Pierre Rehm, directeur du FID Marseille